Première visite sanitaire du rucher de l’abeille de compagnie. Xavier et Geoffrey stressés par ce Technicien Sanitaire Apicole, se rendent vite compte qu’ils partagent une passion : l’amour des abeilles noires. Un travail consciencieux, rigoureux conduit toujours au résultat escompté : un rucher en parfait état sanitaire, des abeilles vigoureuses, prêtes à offrir leur doux nectar aux plus exigeants des amateurs de cette merveille que nous offre dame nature.
Apparemment, il est toujours impressionnant de recevoir un Agent Sanitaire Apicole (ASA, baptisé depuis 2015 TSA : Technicien Sanitaire, Apicole) dans son rucher m’avoue Xavier,…, deux jours après la visite sanitaire de son rucher.
Nous avons eu peur que tu trouves un rucher mal entretenu, quelle réaction allais-tu avoir lorsqu’on n’utilise pas les méthodes conventionnelles (usage de médicaments sous ordonnance) pour combattre le varroa (sorte de poux de l’abeille) alors qu’on est justement inscrit à un syndicat apicole afin de bénéficier de tarif préférentiel pour ce type de traitement, qu’allais-tu penser de nos pratiques apicoles ?
Il est vrai qu’on n’imagine pas être à l’origine de tout ce stress quand on vient visiter un rucher, avec en tête, le devoir d’aider l’apiculteur dans son travail de tous les jours. C’est pourquoi j’ai pris pour habitude de mettre à l’aise mes apiculteurs alors qu’ils sont impatients d’entrer dans le vif du sujet, la visite de contrôle du rucher.
Je l’ai bien vu, à mon arrivée, nos deux apiculteurs étaient en tenu et je n’étais pas descendu de ma voiture que l’enfumoir était déjà allumé !
C’est pourquoi, je préfère m’assoir à une table, discuter apiculture, mettre en confiance l’apiculteur, voir s’il dispose d’un outil de traçabilité de son rucher, le carnet d’élevage, s’il connait la réglementation en vigueur pour être serein vis-à-vis de ses voisins, s’il connait un minimum l’anatomie et les mœurs de nos chères avettes pour mieux les accueillir et les faire se développer afin qu’elles puissent nous récompenser de leur doux nectar.
Culture apicole, une passion
Au fait Geoffrey, c’est quoi ton livre d’apiculture ? Cette simple question me permet d’apprécier l’attention que prend l’apiculteur à se préoccuper de son savoir-faire en termes de bonnes pratiques apicoles. Pas de soucis de ce côté, Geoffrey me propose deux ouvrages de base de Bernard Nicollet : comment débuter en apiculture ? et développer et maintenir des ruchers en apiculture naturelle.
Pas de rucher école à votre actif ? Pas de conseil d’un ancien apiculteur ? Non, nous sommes de purs autodidactes.
Là pour le coup, c’est moi qui ai eu un peu peur de voir l’état du rucher. D’ailleurs cachotiers, mes deux apiculteurs ne m’ont jamais révélé être à l’origine de « l’abeille de compagnie ». Curieux, trop peut-être, c’est moi qui le week-end suivant la visite, ai surfé sur le Net et trouvé par hasard l’association. Il faut avouer que j’ai été très surpris de voir toutes ces petites pancartes avec des noms d’entreprises sur les ruches.
Bon 1 partout, la balle au centre. Coté stress avant la visite, chacun a dû avoir sa dose (petite).
Pour ma part, l’apiculture est avant tout une passion. Piqué à 7 ans, grâce à un garde-chasse qui ne parlait pas, mais qui avait, à chaque fois qu’il allait à son rucher, un petit blondinet à ses bottes. Scientifique de métier, j’ai un esprit avant tout observateur, curieux, voleur du savoir-faire des apiculteurs, des plus jeunes au plus anciens. J’écoute, analyse et essaye d’apporter une critique constructive du travail de l’apiculteur. Bien évidemment tout cela en plus du cœur de métier du TSA, un bénévole qui a pour mission de suppléer un vétérinaire référant dans le contrôle de l’état sanitaire du rucher dans le respect du PSE (Plan Sanitaire d’Élevage). Le but étant de protéger non seulement le rucher visité, mais aussi celui de son entourage notamment en cas de MRC (Maladie Réputée Contagieuse). Le TSA se doit également d’apporter aide et soutien à l’apiculteur pour améliorer au quotidien la conduite de son rucher, en respectant les bonnes pratiques apicoles.
Un rucher en pleine nature
Confiant, car nos deux jeunes apiculteurs transpirent la passion, nous nous rendons au rucher en plein milieu d’une zone boisée dans une campagne qui cette année, souffre de la canicule. Un site exceptionnel où tout est conçu pour les abeilles. Une marre a été creusée pour l’apport d’eau, des jachères fleuries semées pour subvenir aux besoins des abeilles lorsque justement, il manque des fleurs, on note la présence de champs de colza, de tournesol, de maïs, des bois avec du tilleul, du chèvre feuille, sapins, chênes, etc. La ressource mellifère est abondante. Nous sommes en pleine nature, loin de toute source polluante, le rucher est idéalement positionné. Si intoxication il y a, cela ne pourra que venir d’un produit de traitement issu des cultures avoisinantes. Xavier m’indique qu’un champ de tournesol bio est à proximité. Super ! Mais nos petites abeilles ont un rayon d’action de 3 km environ et il n’y a pas que du bio dans le coin. Mon propre rucher est à moins de 2 km, un pur hasard et je vois passer des tracteurs avec des pulvérisateurs. Telle est la vraie réalité de terrain pour nous, apiculteurs, qui devons faire avec ! Le miel bio n’existe pas ! Sauf à Ouessant.
Magnifique, fut ma première remarque !
Le rucher constitué d’une trentaine de ruches est remarquablement installé, le chemin forestier est défriché, une multitude de ruches quasiment neuves, de toutes les couleurs, judicieusement dirigées vers le soleil levant, sur de bon support en béton, toits munis de pavés d’ornements pour prévenir tout envolement. Propre et net, j’apprécie.
A ma tête, malgré ma vareuse (vêtement protecteur de l’apiculteur) mes deux compères constatent ma satisfaction d’autant que je leur fais remarquer de vive voix.
Petit tour rapide du propriétaire, de suite je remarque deux ruches fermées. Tiens, pourquoi sont-elles fermées ? On fait de la transhumance sur du tournesol. Sympa ! Savez-vous à partir de quelle distance vous devez désorienter vos ruches avant de les ouvrir ? Euh… pas trop non ? Nous n’avons jamais rencontré de problème ! Très attentifs, nos deux apiculteurs apprennent qu’une abeille revient toujours à l’emplacement originel de sa ruche si celle-ci a été déplacée à moins de 3 km. Et comment fait-on si on souhaite déplacer une ruche au sein même de notre rucher ? Il convient de la désorienter par un passage à la cave durant deux jours. Nos petites abeilles devront alors réinitialiser leur GPS pour retrouver leur maison, vous verrez se former devant la ruche un petit nuage d’abeilles qui formeront des cercles concentriques pour apprendre à géolocaliser leur maison.
Un état sanitaire irréprochable
Bon on ouvre ?
Geoffrey s’exécute et je découvre de belles abeilles noires, calmes, douces, sur des cadres qui sont quasiment neufs. Quel bel habitat vous donnez à vos abeilles ! Vous changez souvent vos cires, cela se voit et c’est une bonne pratique. Non seulement vous évitez l’essaimage (le départ d’un essaim suite à un manque de place dans le corps de ruche) mais vous entretenez des abeilles saines physiquement (le non changement de cire réduit la taille des alvéoles du couvain, les larves d’abeilles ont donc moins de place et les « bébés » qui naissent sont plus petits) et sanitairement (les produits chimiques utilisés par les agriculteurs sont liposolubles, c’est-à-dire solubles dans les huiles, donc dans la cire, changer régulièrement les cires équivaut à éliminer de la ruche tous ces toxiques pouvant être rapportés par les abeilles).
Dites donc ça fait déjà pas mal de bons points !
Alors maintenant on passe à l’auscultation sanitaire. Pas de mauvaise odeur, de suite la question « tu recherches quoi dans l’odeur ? » soit la vieille godasse (loque américaine, c’est très grave et il faut éliminer la colonie pour éviter toute contagion), soit le vinaigre (loque européenne, c’est moins grave mais il faut soigner). Rien de tout cela dans le rucher.
Tiens, c’est une vieille reine ! Et pourquoi ? Le couvain est parsemé, une jeune reine produit un couvain très serré. Pas d’aile déformée, signe de présence d’un virus apporté par varroa, bonne vitalité, il y a des réserves, cette ruche va bien.
Et nous ne traitons pas ! Et alors ? Ce n’est pas une obligation ! Par-contre, il faut être conscient que Varroa est partout, regarde cette abeille en a un collé sur son thorax ! Certaines espèces d’abeilles savent vivre avec, jusqu’à un certain taux dans la ruche. Généralement, une colonie qui n’est pas traitée se porte bien durant trois ans, la quatrième année, arrivent les problèmes. Vous changez les cires, donc vous favorisez aussi l’élimination des varroas. Continuez ainsi tant que ça marche ! Je vous expliquerai comment mesurer le taux de varroas dans une ruche afin que vous ne soyez pas pris au dépourvu.
On va passer aux ruches qui ne vont pas bien si vous voulez ? Ah bon, tu en as vu ? Oui quelques-unes !
Et je leur montre quelques ruches qui me paraissent faibles. Ah celles-là, oui, elles n’ont pas reméré (elles n’ont pas réussi à changer leur reine). Et comment tu vois ça sans ouvrir la ruche ? Simplement en regardant le trou d’envol. Vous avez un bon niveau en apiculture, passez à la vitesse supérieure en termes de lecture. Un bon bouquin, Herman Storch, au trou d’envol, un scientifique qui a consacré 10 ans de sa vie à observer ce qui se passe à l’extérieur de la ruche, pour expliquer ce qui se passe à l’intérieur.
Nos deux jeunes apiculteurs ont les bonnes pratiques, le rucher est entretenu, ils aiment les abeilles et leurs donnent le meilleur d’eux-mêmes, mais ils peuvent encore progresser. On peut et on doit toujours progresser.
La visite se poursuit dans la confiance et le parfait échange, j’avoue qu’ils m’ont poussé dans mes retranchements en matière de savoir-faire tant ils sont friands de trucs et astuces pour le bien-être de leurs abeilles. Tiens, pas bien non plus celle-là et notre discussion nous fait oublier de visiter cette ruche.
Visite sanitaire concluante
Retour à la maison pour le rapport de visite qui atteste de la bonne connaissance des pratiques apicoles et d’un rucher en parfait état et sans traitement ! À surveiller quand même, la présence de varroa pour ne pas vous faire surprendre. On l’a tous en plus ou moins grande quantité.
Bon Hervé, petit cadeau, tu goutteras notre miel. Sympa ! Et puis on veut te montrer notre trousse de secours. Là, ils m’ont mis au tapis. Je venais de leur indiquer qu’il fallait être prudent lorsqu’on a un rucher, car nous ne sommes pas à l’abri de piqures. Un apiculteur qui indique ne pas se faire piquer est un menteur ! Un inconvénient d’être en campagne est que les hôpitaux sont loin, il reste prudent de disposer d’une seringue d’adrénaline en attendant l’arrivée des secours. Xavier et Geoffrey ont fait bien mieux ! C’est bien la première fois que je vois une trousse de secours aussi bien conçue. C’est à grands coups d’appareil photo que je m’empresse d’en faire l’inventaire pour me faire la même ! On apprend à être humble et prendre le meilleur de chacun.
La visite se termine. Si vous avez besoin de moi, nous sommes voisins, il ne faut pas hésiter à m’appeler. N’oubliez pas de nourrir, il est temps de préparer les colonies pour l’hiver et posez vos pièges à frelons, il y en a beaucoup cette année du fait de la sécheresse. Tant pis pour notre frelon Européen Vespa Crabro, une espèce protégée en Allemagne, en France nous bénéficions d’une autorisation pour l’installation de pièges dans nos ruchers (une simple bouteille en plastique muni d’un entonnoir avec comme appât de la bière) et puis Vespa velutina, le frelon asiatique, a passé la Loire l’an dernier.
Rebondissement imprévu !
Le lendemain matin, coup de fil en mode panique. Hervé, on a nourri et on a une ruche hyper faible. On pense que c’est une fausse teigne, tu nous en as parlé sur d’autres ruchers, on n’a jamais vu ce cas.
Ni une ni deux, je me déplace. Et c’est bien la fausse teigne qui a frappée. La fameuse ruche qu’on avait oubliée. Pas de bol. Au moins ce n’est pas contagieux et le rucher ne risque rien. La vie c’est aussi la mort. Impossible de récupérer la colonie, la reine n’est plus présente et la saison est trop avancée pour réintroduire une nouvelle reine. Série de photos pour immortaliser les dégâts et apprendre à reconnaitre ce papillon, ennemi des abeilles.
Quelle rencontre ! Une vraie passion, amoureux de la nature, respectueux de l’abeille, un rucher superbement entretenu et une trousse de secours qui m’a époustouflé.
Pas de souci pour un petit article pour votre site, vous le méritez bien.
Je suis sûr qu’on va se revoir, nos abeilles elles, le font déjà du fait de la proximité de nos ruchers, alors partageons notre passion et progressons ensemble.
Bravo à Xavier et Geoffrey pour leur travail, leur idée de mécénat. En tous cas, ils font vraiment ce qu’ils écrivent sur leur site. Tout pour le bien être de ce petit hyménoptère qu’est notre Apis mellifera qui n’est même pas une espèce protégée (question n°42733 du député de l’Aisne, JO du 24 février 2009, page : 1695) !